L’Ukraine mise sur l’Inde pour obtenir un accord de paix avec Poutine
Pourquoi Narendra Modi est le meilleur espoir de Kiev.
L’Ukraine a trouvé son intermédiaire préféré pour mettre fin à la guerre avec la Russie : le Premier ministre indien Narendra Modi.
Dans le cadre d’une relation diplomatique en plein essor, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rencontré Modi lundi soir à New York, au cours de laquelle les deux dirigeants et leurs entourages ont discuté du chemin pour parvenir à un accord de paix.
Une source ukrainienne haut placée, à qui l’anonymat a été accordé pour discuter de ce sujet sensible, confirme que l’Inde est le grand espoir de Kiev pour parvenir à un pacte de paix convenable.
Selon cette source, Modi a clairement indiqué, lors des discussions de l’été avec Kiev que, si l’Ukraine devait inévitablement faire des compromis sur certains points, toute proposition visant à mettre fin à la guerre ne devrait pas inclure la cession de territoires à la Russie.
Aux yeux de Kiev, Modi a parcouru un long chemin en peu de temps.
Lorsqu’il s’est rendu à Moscou en juillet et a chaleureusement embrassé le président russe Vladimir Poutine, la réaction de Kiev a été cinglante. Zelensky a qualifié cette accolade — le jour même où un tir de missile russe tuait des dizaines d’Ukrainiens — d’“énorme déception et de coup dévastateur porté aux efforts de paix”.
Mais depuis, l’Ukraine considère de plus en plus l’Inde — le pays le plus peuplé du monde, qui prône depuis longtemps le non-alignement dans ses relations extérieures — comme son intermédiaire idéal dans ses tractations avec le Kremlin.
Si New Delhi s’est toujours abstenu de condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il s’est prononcé en faveur du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, et de la fin de la guerre. Six semaines après que son voyage à Moscou a suscité l’inquiétude des Ukrainiens, Modi s’est rendu à Kiev pour rencontrer Zelensky. Il a promis d’être “un ami” de Kiev et de contribuer à la conclusion d’un accord de paix.
L’Inde est peut-être le seul acteur mondial capable de jouer ce rôle — ou du moins le seul capable de se présenter de manière crédible comme neutre à la fois devant Moscou et Kiev.
La Suisse et l’Autriche se sont rangées du côté de l’UE en imposant des sanctions à la Russie. Au sommet pour la paix organisé en juin au Bürgenstock Resort, dans le centre de la Suisse, il n’y avait aucun représentant du Kremlin, aucun responsable russe n’ayant été invité. Les relations entre Washington et Moscou sont complètement gelées.
Les efforts déployés par des pays tels que l’Arabie saoudite pour jouer les faiseurs de paix sont tombés à l’eau, la Chine a été accusée de contribuer activement à l’effort de guerre de Moscou, et Zelensky a, ce mois-ci, critiqué le gouvernement brésilien pour avoir “pris le parti de la Russie”.
Il ne reste plus que l’Inde.
“Nous sommes un pays qui peut parler ouvertement avec les Russes de ce problème [ukrainien]”, a mis en avant le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, lors d’une visite en Malaisie en mars. Poutine l’a confirmé au début du mois, en indiquant qu’il faisait “confiance” à l’Inde, à la Chine et au Brésil — tous membres du groupe des économies émergentes Brics — pour servir d’intermédiaires avec l’Ukraine.
Lors d’une visite en Allemagne au début du mois, Jaishankar a déclaré que l’Inde était “préoccupée et engagée” dans la recherche d’un moyen de mettre fin à la guerre et a confirmé que “des suggestions ont été faites” pour que l’Inde accueille son propre sommet de paix. Il a ajouté que de tels pourparlers devraient inclure la Russie, rejetant ainsi l’idée d’une conférence de paix à la suisse qui n’aurait pas bénéficié de l’apport du Kremlin.
Zelensky rejette depuis longtemps toute proposition prévoyant que l’Ukraine cède des terres et s’est emporté contre un plan de paix en six points proposé par la Chine et le Brésil, qui ne mentionnait pas la préservation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
L’Inde n’était pas impliquée dans ce plan.
A Berlin ce mois-ci, Jaishankar n’a pas dit si l’Inde prévoyait de présenter sa propre proposition de paix. Mais à Kiev, les espoirs sont grands de voir New Delhi en préparer un.
“Je peux dire que l’Inde est un partenaire fiable pour l’Ukraine et qu’elle est une force mondiale qui peut influencer la dynamique et le cours des événements dans le monde”, affirme Heorhii Tykhyi, porte-parole du ministère ukrainien des Affaires étrangères, à POLITICO. “Nous souhaitons que l’Inde participe au processus de paix, car elle peut faire la différence.”
Veronika Melkozerova a contribué à cet article.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.